Le 30 juillet 2007, Ingmar Bergman disparaissait à quatre-vingt-neuf ans. En amorce de la rétrospective organisée par la Cinémathèque royale de Belgique, et avec sa collaboration, l’Actor’s Studio, sur une idée d’Henri Simons et de Joachim Olender, a décidé de lui rendre hommage.
Pour qui un jour a posé son regard sur le cinéma de Bergman, l’homme était devenu un ami. Quelque part perdu sur sa petite île de la mer Baltique, nous avions un allié. Celui qui jusqu’au bout irait toucher en nous le réel. Tautologie, que l’artiste et son œuvre finissent par se confondre. Mais qu’il nous y invite, et qu’elle nous y intègre, cela relève de l’exception.
Bergman est le descendant de Mozart et de Shakespeare, qu’il mettra d’ailleurs en scène. Pas un de ses films n’échappe à la remise en cause de la chimère cinématographique. S’il se situe derrière la caméra, il est perpétuellement l’objet de son cinéma. Frustration totale face à une mère incapable d’amour. Rigidité absolue d’un père pasteur, cultivant le péché et la grâce, le pardon et la culpabilité. Ingmar vit une enfance tourmentée, livrant un combat permanent aux démons qui l’habitent. Cela lui vaudra une œuvre pleinement autobiographique, à la recherche des souffrances primitives, de la fragilité ultime, de l’innocence perdue. Poussant la religion et la mort jusque dans leurs derniers retranchements. En vue d’un dépassement. En vain. Mais l’artiste restera cet enfant, grâce à son art.
A ceux qui auraient intercepté la rumeur selon laquelle le cinéaste suédois nagerait en pleins tumultes et noirceur métaphysique, écarquillez les yeux. Vous y découvrirez un amoureux de la vie. Cinéaste de la jouissance, du bien-être et de la liberté. Cinéaste de la femme, du gros-plan, du visage comme scène. Ingmar Bergman est avant tout le cinéaste de la modernité. Entre théâtre, opéra et cinéma d’auteur, téléfilms et série télévisée, jamais réalisateur n’aura atteint tel équilibre. « Bergman a tout mis dans ses films. Il y est tout entier. Il y est nu. A la fois illusionniste et premier dénonciateur de cette illusion. A la fois vulnérable et accessible, humain et insaisissable » (Olivier Assayas et Stig Björkman, Conversation avec Bergman, éd. des Cahiers du cinéma, 1990).
Joachim Olender