Autre (Racisme)

AUTRE

 

« On peut découvrir les autres en soi, se rendre compte de ce qu’on n’est pas une substance homogène, et radicalement étrangère à tout ce qui n’est pas soi : je est un autre. Mais les autres sont des je aussi : des sujets comme moi, que seul mon point de vue, pour lequel tous sont là-bas et je suis seul ici, sépare et distingue vraiment de moi. Je peux concevoir ces autres comme une abstraction, comme une instance de la configuration psychique de tout individu, comme l’Autre, l’autre ou autrui par rapport au moi ; ou bien comme un groupe social concret auquel nous n’appartenons pas. Ce groupe à son tour peut être intérieur à la société : les femmes pour les hommes, les riches pour les pauvres, les fous pour les « normaux » ; ou lui être extérieur, une autre société donc, qui sera, selon les cas, proche ou lointaine : des êtres que tout rapproche de nous sur le plan culturel, moral, historique ; ou bien les inconnus, des étrangers dont je ne comprends ni la langue ni les coutumes, si étrangers que j’hésite, à la limite, à reconnaître notre appartenance commune à une même espèce. »

Tzvetan Todorov,

La Conquête de l’Amérique

La question de l’autre,

Seuil, 1982, p. 11.

 

Article extrait du livre de Lydia Flem, Le Racisme, M.A. éd, préface de Léon Poliakov, 1985 (épuisé).

 

 

 

 

 

« La difficulté d’être un être humain reste entière et inchangée : condamné à l’altérité, à la différenciation sexuelle, à la mort ».

Entretien avec Joyce Mc Dougall,

In Nouvelle Revue de Psychanalyse.

29, 1984, p. 135.

 

 

 

 

L’autre est-il un dieu ou une bête ?

« Dans les grandes Antilles, quelques années après la découverte de l’Amérique, pendant que les Espagnols envoyaient des commissions d’enquête pour rechercher si les indigènes avaient ou non une âme, ces derniers s’employaient à immerger des blancs prisonniers, afin de vérifier, par une surveillance prolongée, si leur cadavre était ou non sujet à putréfaction. Cette anecdote à la fois baroque et tragique qui illustre bien le paradoxe du relativisme culturel ».

Claude Lévi-Strauss,

Anthropologie structurale deux,

Plon 1973.

 

 

 

« L’illusion de la fusion est douce mais c’est une illusion et sa fin est amère ; reconnaître l’autre comme autre permet de mieux l’aimer ».

Tzvetan Todorov,

« Une critique dialogique »,

Le Débat, mars 1984, p. 164.

 

 

 

« La parole charnelle d’un ami me ramena à la raison : tu ne peux pas faire l’économie de l’étrangeté du texte, car il est ce qu’un autre a laissé par son retrait. Tu n’as pas à t’approprier, mais, sur le mode d’une non-coïncidence à jamais irréductible, tu dois remplir de signification ce que l’autre a pensé et qui est là, pour toi, dans la figure d’une demande à penser ».

Patrice Loraux,

« Je ne publierai pas d’anecdote »,

l’Écrit du temps, 3, 1983, p. 23.

 

 

« Il y a en chacun de nous du caché que seul le regard d’autrui peut nous révéler, de l’inouï que seule l’écoute d’un autre peut nous faire entendre ».

Christian David,

« L’Empire du sens »,

in Le Genre humain, 7-8, 1983, p. 235.

 

 

 

« Pour l’être humain, tout processus d’individualisation ne peut se faire en effet que « dans » et  « par » l’autre, ce qui met celui-ci en position de n’être, pour la subjectivité ordinaire, que le semblable légèrement décalé : ressort ambigu de l’identification dont témoigne l’expression « nous autres », mais aussi fondement de tout mécanisme projectif ».

Francis Martens,

« Le miroir du meurtre ou la synagogue dévoilée » in Le Racisme.

Mythe et sciences, Complexe, 1981, p. 62.

 

 

 

« Simplement, quand je ne comprends pas, je ne récuse pas, je ne me détourne pas. J’attends ».

 

Georges Dumézil,

« Sur Nostradamus »,

Le Débat, mars 1984, p. 180.

 

 

 

«  Nous donc — mais au fait, qui est-ce, nous ? »

Plotin,

Ennéades, VI, 4, § 14.

 

 

Et quand « nous » devenons les autres des autres, tels ces premiers navigateurs européens saisis par le regard d’un Chinois du XVIe siècle :

 

« Ces hommes de l’Océan, ainsi qu’on les désigne, sont des animaux de taille élevée. Leurs yeux profondément enfoncés dans leur orbites et leur nez est en forme de bec d’oiseau. La partie inférieur de leur visage, le dos de leurs mains et, semble-t-il, leur corps tout entier sont recouverts d’une épaisse toison de poils frisés, ce qui les fait ressembler aux singes des forêts du Sud. Le plus étrange, toutefois, est que, tout en étant incontestablement des hommes, ils ne semblent présenter aucune de leurs facultés mentales. Comparativement à eux, le plus bestial des paysans est infiniment humain. Cependant, des hommes de l’Océan se déplacent et voyagent avec une assurance qui est celles d’hommes expérimentés et, à certains égards, ils sont extrêmement intelligents. Ainsi il est tout à fait plausible qu’ils soient accessibles à l’éducation et que, à force de patience, on leur inculque les manières d’un être humain ».

« Lettre d’un Chinois à son fils »,

cité par Michel Adam in « Racisme

et catégories du genre humain »,

L’Homme, avril-juin 1984, p. 86.

 

 

 

 

 

 

 

 

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