Broca

BROCA, Paul (1824-1888).

Broca est généralement associé à la craniologie. C’est un anatomiste hollandais, Pierre Camper, qui le premier, au XVIIIe siècle, se lança dans l’observation et la comparaison des crânes. Il compara les crânes d’un Européen, d’un Kalmuck, d’un Nègre et d’un singe, ce qui l’amena à définir un « angle facial », qui allait en diminuant de l’Européen au singe, en passant par le Kalmuck et le Nègre. Mais cet angle qui était plus ouvert ches l’enfant que chez l’adulte contredisait les données mêmes de son inventeur qui affirmait que l’intelligence était proportionnelle à l’ouverture de l’angle facial.

Paul Broca, lui, proposa « l’angle occipital », dont la première ligne n’aboutissait plus au bord inférieur de l’orbite, mais à la racine du nez. Après la mesure des angles, les savants cherchèrent à évaluer les cubages de cerveaux et leurs poids. Retzius classa en 1842 les humains en dolichocéphales, porteurs de crânes allongés dans le sens antéro-postérieur et les brachycéphales chez qui ce sens était raccourci. Cette classification fut notamment reprise par Vacher de Lapouge pour étayer ses thèses racistes. On se rappelle aussi que le régime nazi fit un grand usage de ces mesures morphologiques et de photographies anthropométriques. Le crâne dolichocéphale était censé caractériser les « Nordiques » ou « Aryens ». Mais en 1912, l’anthropologue américain, Franz Boas, établit qu’aux Etats-Unis les crânes des enfants immigrés à tête ronde (brachycéphale) s’allongeaient. Cette caractéristique dépendait donc de l’environnement et entre autre du rémige alimentaire et n’avait donc aucune valeur de distinction génétique entre populations.

Si Broca fut le premier en France à proposer une définition des races humaines à partir de critères morphologiques qui se voulaient rigoureux il fut cependant un des rares esprits critiques de son temps. Il osa émettre un avis réservé à propos des thèses du « darwinisme social » qui fleurissaient au XIXe siècle et qui justifiaient guerres et racisme biologique. « Les races d’Europe ont une telle puissance d’expansion, elles disposent de moyens d’agression tellement irrésistibles qu’elles auront sans doute le temps d’achever l’extermination de plusieurs races autochtones avant que la philosophie et la science aient acquis assez de pouvoir pour mettre un terme à ces attentats systématiques contre le genre humain… C’est, dit-on, la loi du Progrès, et il ne manque pas de rhéteurs qui prétendent que cette substitution des races inférieures est le moyen employé par la Providence pour répandre la civilisation sur toute la terre… Ce qui se passe aujourd’hui a bénéfice des civilisés s’est passé en d’autres temps au bénéfice des barbares et cette prétendue loi du progrès n’est autre chose que la loi du plus fort… (…) Tant qu’il y aura des régions mortelles aux races d’Europe, certaines races autochtones resteront en possession du sol où elles sont installées depuis une époque antérieure à tous les souvenirs ». (Autochtones, Encyclop. Gén. III, 350, Paris, 1870).

Lecture

–       Nadine FRESCO, « Aux beaux temps de la craniologie », Le Genre humain, n°1, 1981.

–       Jacques RUFFIE, Traité du vivant, Fayard 1982.

Cf. Galton, Darwin, Vacher Lapouge.

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