CASTE

CASTE

Le mot « caste » est d’origine espagnole et portugaise : casta signifie quelque chose de non mélangé, du latin castus, chaste. Les Espagnols semblent avoir utilisé ce mot dans le sens de race et les Portugais l’appliqué aux classes les plus basses de l’Inde par opposition aux plus élevées, dès le milieu du XVe siècle. La langue anglaise usage de ce mot dans le sens de race d’hommes en 1555 et le français caste entre en 1740 au Dictionnaire de l’Académie.

Louis Dumont, suivant la proposition de C. Bouglé, en donne la définition suivante : « Le système des castes divise l’ensemble de la société en un grand nombre de groupes héréditaires distingués et reliés par trois caractères : séparation en matière de mariage et de contact direct ou indirect (nourriture) ; division du travail, chacun de ces groupes ayant une profession traditionnelle ou théorique dont ses membres ne peuvent s’écarter que dans certaines limites ; hiérarchie enfin, qui ordonne les groupes en tant que relativement supérieurs et inférieurs les uns aux autres » (Homo hiérarchicus, p. 36).

Le principe idéologique qui fonde ce système est l’opposition du pur et de l’impur. Ces notions sont essentiellement religieuses et sont liées à la vie organique : naissance et mort dans la vie individuelle, impuretés temporaires et impureté permanente des Intouchables.

Le mot d’Intouchable appartient au vocabulaire anglais, les Indiens désignent chaque groupe d’Intouchables par le nom de leurs castes. Le terme administratif est celui de Scheduled Castes et les organisations de lutte ont popularisé le mot de dalit qui signifie brisé, opprimé.

Actuellement, un Indien sur sept est membre d’une caste déshéritée. La Constitution indienne leur reconnaît, pour compenser leur handicap de minorité défavorisée, un régime préférentiel dans le fonctionnement du  système démocratique (circonscriptions électorales réservées) et une représentation assurée dans l’appareil de l’Etat (quotas d’emplois administratifs réservés). Lors du recensement de 1971, ces castes répertoriées regroupaient environ 80 millions de personnes. Les Intouchables sont responsables de tâches réputées impures mais indispensables au bon fonctionnement de la société (barbier, blanchisseurs, éboueurs, travailleurs du cuir, sages-femmes, crémateurs funéraires, etc.). Aussi les autres hindous doivent-ils s’organiser pour coexister avec ceux-ci tout en se préservant du contact polluant. Comme le souligne Jacques Pouchepadass : « Une différence s’impose dès lors si l’on compare les Intouchables de l’Inde aux marginaux et aux exclus de nos sociétés d’Occident. L’impureté des castes servantes est une condition nécessaire de la pureté du Brahmane, comme l’impureté du corroyeur est le corolaire inéluctable de la vénération de la vache. Le système d’oppositions de nature religieuse qui structure la société des castes est en même temps un système de complémentarités. En conséquence il n’y pas d’exclus, mais une gradation de rangs. L’Intouchable, assurément, est le dernier des inférieurs. Pourtant, non seulement il est toléré, mais il exerce une fonction et jouit en conséquence de certains droits. L’inégalité consubstantielle au système, bien que criante dans la vie réelle, n’empêche pas la conscience générale d’appartenir à un ensemble, que fonde l’adhésion à des valeurs communes. »

La réalité quotidienne des Intouchables varie selon qu’ils habitent en ville, où l’anonymat permet une certaine mobilité individuelle, ou dans les villages, qui regroupent encore la majorité des Intouchables. Une nouvelle génération d’Intouchables cultivés et politisés tentent actuellement de mobiliser les masses opprimées. En 1973 est né le mouvement activiste des Dalit Panthers, sur le modèle des Black Panthers américains. En même temps qu’une radicalisation militante se manifeste, on constate également depuis uen quinzaine d’années une augmentation de la violence exercée sur les Intouchables des campagnes : travaux forcés, salaires misérables, oppression sexuelle, assassinats, incendies des logements, bétail abattu, etc. Petit à petit, au nom d’une distinction religieuse, on légitime la violence de l’affrontement entre classes sociales ; violence exercée principalement par les castes de propriétaires et cultivateurs qui ont tout intérêt à garder les Intouchables, qui travaillent pour eux comme ouvriers agricoles, à la limite de la survie.

Et J. Pouchepadass de conclure : « la discrimination de l’Intouchable tend à devenir dans l’Inde actuelle un équivalent de ce qu’est le racisme dans les sociétés modernes, à savoir une résurgence pathologique de la hiérarchie dans la mentalité égalitaire ».

Lecture

–       Louis DUMONT, Homo hierarchicus, essai sur le système des castes, Gallimard, 1966.

–       Louis DUMONT, « Caste, racisme et ‘satisfaction’ » in Cahiers Internationaux de Sociologie, XXIX, 1960.

–       Jacques POUCHEPADASS, « L’Intouchable et la modernité » in Les Genre humain, 1984, 11.

Cf. Souillure.

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