ETHNOCENTRISME
Depuis l’Antiquité et sur toute la surface de la terre, chaque peuple a eu tendance à privilégier sa propre culture et à rejeter hors de l’humanité les autres hommes. Nombreux sont les groupes humains qui se sont imaginés élus. La reconnaissance des diversités culturelles et la possibilité d’un enrichissement réciproque est une attitude récente et peu établie.
On sait que pour les Grecs, ceux qui ne participaient pas à leur civilisation et ne parlaient pas leur langue étaient appelés « barbares ». Il semble qu’ils voulaient opposer ainsi la valeur signifiante de leur propre langue par opposition à la confusion et à l’inarticulation du chant des oiseaux. Rejeter les autres hommes du côté de l’animalité est une démarche que l’on rencontre fréquemment dans la pensée raciste. Lorsque l’Occident nomme sauvages les populations non européennes, il les place du côté de la forêt, c’est-à-dire de la vie animale par opposition à la culture humaine.
Comme le souligne Lévi-Strauss, souvent « l’humanité cesse aux frontières de la tribu, du groupe linguistique, parfois même du village ; à tel point qu’un grand nombre de populations dites primitives se désignent d’un nom qui signifie les « hommes » (ou parfois — dirons – nous avec plus de discrétion — les « bons », les « excellents », les « complets »), impliquant ainsi que les autres tribus, groupes ou villages ne participent pas des vertus — ou même de la nature — humaines, mais sont tout au plus composés de « mauvais », de « méchants », de « singes de terre » ou d’ « œufs de pou ». On va souvent jusqu’à priver l’étranger de ce dernier degré de réalité en en faisant un ‘ fantôme’ ou une ‘apparition’ ».
Mécanisme nécessaire pour conserver son identité culturelle, l’ethnocentrisme est néanmoins universel et prouve donc l’inverse de ce qu’il désire marquer : « Affectivement, note Geza Roheim, nous sommes tous semblables, précisément en ce que nous croyons tous les autres différents de nous ».
Lecture
– Claude LEVI-STRAUSS, « Race et histoire » in Anthropologie structurale deux, Plon, 1973.
– Léon POLIAKOV, (éd.) Hommes et bêtes. Entretiens sur le racisme, Masson, 1975.