GOBINEAU

GOBINEAU, comte Joseph Arthur de (1816-1882)

Gobineau suscite des passions ; les uns voient en lui le théoricien raciste qui influença Vacher de Lapouge, H.S. Chamberlain, Wagner et Hitler, d’autres justifient ses positions élitistes par son appartenance à la noblesse en perte de pouvoir ; d’autres encore le consacrent écrivain superbe et grand méconnu du XIXe siècle.

Dans son livre Essai sur l’inégalité des races humaines, publié en 1853, Gobineau défend l’idée que seule la race blanche, issue des « Arians », restée à peu près pure jusqu’au début de l’ère chrétienne, possède les « deux éléments principaux de toute civilisation : une religion, une histoire ». Toutes les créations humaines, la science, l’art, n’appartiennent qu’à une seule race : « Point de civilisation véritable chez les nations européennes quand les rameaux aryens n’ont pas dominé ». Sa théorie de la suprématie aryenne, il l’a héritée de la linguistique allemande du XIXe siècle romantique et orientalisant. Avec les développements de la craniologie et de l’anthropologie physique, la linguistique prépare la justification possible de la domination européenne, offre des arguments à toute idéologie élitiste et à tout rêve d’hégémonie de la « race blanche ». Le colonialisme puis le fascisme utiliseront jusqu’à la « solution finale » le concept de « races supérieures » ou « inférieures et cosmopolites ».

Gobineau n’incite pas au meurtre, il est trop « élégant » pour cela ; néanmoins, il est difficile de nier que son Essai soit raciste. Comme le souligne, très finement, Colette Guillaumin, « Mépris et haine ne sont pas nécessairement présents dans le racisme, ils ne sont que des épiphénomènes, de surcroît non obligés, d’une vision essentialiste de l’histoire de l’espèce humaine ».

Gobineau présente certains traits de pensée qu’il partage avec d’autres théoriciens racistes : horreur mortifère de tout processus de changement, vocabulaire de menace, de complot, de souillure et de pourriture, perfection idéalisée du passé ou d’un passé mythique reconstruit, phobie du différent, élitisme narcissique et vision apocalyptique de l’histoire humaine : « L’espèce blanche a désormais disparu de la face du monde. Après avoir passé l’âge des dieux, où elle était absolument pure ; l’âge des héros, où les mélanges étaient modérés de force et de nombre ; l’âge des noblesses, où des facultés, grandes encore, n’étaient plus renouvelées par des sources taries, elle s’est acheminée plus au moins promptement, suivant les lieux, vers la confusion définitive de tous ses principes (…) La part de sang arian, subdivisée déjà tant de fois, qui existe encore dans nos contrées, et qui soutient seule l’édifice de notre société, s’achemine chaque jour vers les termes extrêmes de son absorption. Ce résultat obtenu, s’ouvrira l’ère de l’unité… cet état de fusion, bien loin d’être le résultat du mariage direct des trois grands types pris à l’état pur, ne sera que le caput mortuum d’une série infinie de mélanges, et par conséquent de flétrissures ; le dernier terme de la médiocrité dans tous les genres : médiocrité de force physique, médiocrité de beauté, médiocrité  d’aptitudes intellectuelles, on peut presque dire néant » (p. 870). Gobineau imaginait qu’après encore trois ou quatre millénaires, viendrait « le dernier soupir de notre espèce, où le globe, devenu mort, continuera mais sans nous, à décrire dans l’espace ses orbes impassibles… »

Lecture

–       Colette GUILLAUMIN, L’Idéologie raciste. Genèse et langage actuel, Mouton, Paris-La Haye, 1972.

–       Léon POLIAKOV, Le Mythe aryen, Calmann-Lévy, 1971.

–       Patrick TORT, La Pensée hiérarchique et l’évolution, Aubier Montaigne, 1983.

Cf. Aryen, Dégénérescence, Projection, Vacher de Lapouge.

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