HÉREDITE
Dans le petit jardin d’une abbaye de Brno, l’abbé Johann Mendel croise différentes sortes de petits pois. Il publie en 1865 le résultat de ses expériences dans le Bulletin d’Histoire Naturelle de Brno et meurt avant que la communauté scientifique internationale découvre la valeur fondamentale de ses recherches.
Les lois de Mendel permettent de comprendre enfin les mécanismes par lesquels se transmettent les caractères d’une génération à l’autre. Elles impliquent l’existence de particules matérielles (que l’on nommera gènes) qui contrôlent et véhiculent les caractères héréditaires des parents aux enfants. Ce qui est transmis n’est pas un caractère visible mais la moitié du patrimoine génétique de chacun des parents ; soit le gène paternel, soit le gène maternel, au hasard, se trouve à l’origine d’un caractère particulier chez l’enfant né de ce couple. Personne n’a donc le même stock héréditaire. L’idée qu’une même population humaine porte les mêmes caractéristiques est absurde, chaque individu possédant un patrimoine génétique différent.
Mais les gènes seuls ne suffisent pas à assurer la totalité des informations dont l’être humain à besoin pour vivre. C’est l’interaction avec le milieu qui va en permettre la réalisation complète. La transmission par apprentissage, les traditions culturelles, les liens inconscients au réseau familial participent avec le patrimoine génétique à la création de l’être humain. Si les gènes déterminent la capacité à apprendre, les langues par exemple, ils ne sont nullement responsables du choix de la langue ou de tout autre apprentissage particulier. Les caractères culturels forment une gamme extrêmement complexe et étendue qui va du langage aux jeux, des techniques du corps au savoir-faire du pêcheur ou du marin, des coutumes aux croyances, des sports aux arts de la table au choix d’un conjoint ou à l’utilisation d’outils.
La transmission culturelle n’est pas moins prégnante que la transmission biologique et, pour la plupart des traits complexes de l’être humain, il est difficile d’isoler un seul de ces facteurs. Ou comme se le demande Luigi-Lucas Cavalli-Sforza : « Est-ce que la passion pour le goût de la menthe est acquis culturellement ou génétiquement ? » Mesurer l’ « héritabilité » d’un trait particulier reste encore aujourd’hui, malgré les progrès de la science, parfois impossible à déterminer. Un psychophysiologiste canadien, D.O. Hebb, utilise une métaphore frappante pour poser ce problème de la part respective des gènes et du milieu ; cette question lui paraît aussi ridicule que de se demander ce qui explique la plus grande part de la surface d’un rectangle, de sa longueur ou de sa largeur !
Lecture
– Albert JACQUARD, Inventer l’Homme, Complexe, Bruxelles, 1984.
– Gérard VAYSSE et Jean MEDIONI, L’Emprise des gènes et les modulations expérientielles du comportement, Privat, Toulouse, 1982.
Cf. Darwin, Dégénérescence, Génétique.