Pogrom (Racisme)

POGROM

 

Les premiers pogroms contre les Juifs russes eurent lieu dans la confusion qui suivit l’assassinat d’Alexandre II, en mars 1881, par les membres d’une petite organisation révolutionnaire Narodnaïa Volia. Au lendemain de cet attentat, quelques grands-ducs et officiers de la garde mirent sur pieds une organisation contre-terroriste, la « Sainte légion », dont un des buts fut de susciter des pogroms. Après cette période d’agitation, les Juifs continuèrent d’être utilisés comme des boucs émissaires commodes ; c’est ainsi que pour la première fois première fois, l’antisémitisme fit officiellement partie de la politique d’un gouvernement.

Au cours de la Semaine sainte de 1881, éclatèrent des pogroms à Elisavetgrad puis à Kiev et Odessa. « Les émeutes antisémites eurent lieu à jour fixe, presque partout selon les mêmes procédés, pour ne pas dire suivant le même programme. Elles débutaient pas l’arrivée de bandes d’agitateurs apportés par les chemins de fer. Souvent, on avait, dès la veille, affiché des placards accusant les Juifs d’être les auteurs du nihilisme et les meurtriers de l’empereur Alexandre II. Pour soulever les masses, les meneurs lisaient, dans les rues ou dans les cabarets, des journaux antisémites dont ils donnaient les articles comme des oukazes ordonnant de battre et de piller les Juifs (…) Plus d’une fois, les Juifs qui tentèrent de se défendre furent arrêtés et désarmés : ceux qui osèrent monter la garde à la porte de leur maison, le revolver à la main, étaient poursuivis… » (A. Leroy-Beaulieu, L’Empire des tsars et les Russes, Paris 1898, t. III, pp. 614-619, cité par L. Poliakov).

En mai 1882 des décrets établirent un numerus clausus limitant l’accès des Juifs à l’enseignement secondaire et supérieur ; il leur était également interdit de résider à la campagne ou dans certaines villes. Tout ceci conduit un grand nombre de Juifs à émigrer alors vers les Etats-Unis. Une autre réaction aux pogroms fut la naissance d’un mouvement sioniste, mais aussi la constitution d’un parti ouvrier juif, le « Bund », qui fut critiqué par Lénine comme « réactionnaire » parce qu’il revendiquait une spécificité juive en plus de son programme socialiste.

Une deuxième vague de pogroms, plus sanglante, s’abattit sur les Juifs à partir de 1903. Le meurtre d’un adolescent fut attribué par la rumeur publique aux Juifs et des appels à la vengeance furent distribués dans les débits de boisson de Kichinev, — dont le .propriétaire du journal local, Paul Krouchevane, publiait des propos antisémites à longueur de pages, avant d’être le premier éditeur des Protocoles des Sages de Sion.

Dans le contexte révolutionnaire de 1905, cent cinquante pogroms environ eurent lieu ; toutes les classes de la population y participaient : cheminots et postiers en première ligne, mais aussi ouvriers et paysans, ceux-ci ramassant souvent tout ce qui traînait par terre. Les professions libérales n’étaient pas non plus absentes de ces mouvements.

Le pogrom institue un moment de rupture des liens sociaux habituels : il pouvait ainsi arriver que ceux-là même qui pillaient les biens juifs cachent pourtant chez eux des Juifs en fuite.

Entre 1906 et 1916, près de 3000 brochures et livres antisémites furent publiés avec l’appui financier du Tsar Nicolas II.

La troisième vague de pogroms se déroula entre 1917 et 1921. Environ 60000 Juifs périrent dans la fureur antijuive des armées blanches et des bandes ukrainiennes qui rivalisaient de cruauté avec l’armée. « L’acharnement antijuif des troupes avait atteint une sorte de fureur enragée contre laquelle on ne pouvait rien entreprendre. » (Mémoires du général Dénikine ).

 

Lecture

  • Léon POLIAKOV, Histoire de l’antisémitisme, IV, Calmann-Lévy, 1977.
  • Encyclopaedia Judaica, article « Pogroms », Jérusalem 1971, t. XIII, p. 694-701.

 

Article extrait du livre de Lydia Flem, Le Racisme, M.A. éd, préface de Léon Poliakov, 1985 (épuisé).

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