Les Yatzkan
un film de Anna-Célia Kendall Yatzkan
projection au Mémorial de la Shoah
29 novembre 2015
Anna-Célia Kendall Yatzkan s’inscrit dans un nouveau genre cinématographique, non pas docu-fiction mais docu-autofiction. Elle se filme de Paris à Varsovie et en Lituanie, passant par Google, à la recherche de ses ancêtres, incidemment de nouveaux cousins, entre humour et mélancolie, entre poésie et rigueur.
Comment vider l’atelier de sa mère? Comment se défaire de son piano, de ses paperolles, de ses autoportraits et de ses télégrammes d’avant-guerre… Tout jeter en vrac ? ou fouiller dans les dizaines de cartons emplis de tickets, de lettres, de photographies mystérieuses et soudain tomber sur le passeport polonais de sa mère au nom de Yatzkan, lequel entraîne la réalisatrice sur les traces d’un grand-père inconnu, jadis rédacteur en chef d’un grand journal yiddish?
Tout a commencé quand elle a hérité d’une histoire de papillon qui possédait une âme. C’est sa mère, avec son accent délicieux, qui la lui a offerte un jour de tournage…, puis elle a disparu. Comment la retrouver, elle, son âme et les fantômes de son histoire cachée, c’est ce que la cinéaste nous conte.
En tressant les branches de son arbre généalogique, en portant sur les lieux mêmes du drame des photos intimes accrochées comme des affiches, elle s’interroge sur son passé familial dénié mais aussi, avec une force parfois terrible, interroge les passants. Car tout un chacun appartient à sa petite histoire mais aussi à la grande, celle qui a fracturé les familles et les nations, cette postmémoire[1] dont les lignes de faille nous poursuivent jusqu’aujourd’hui. Voilà pourquoi les artistes se font historiens[2].
Lydia Flem
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[1] notion proposée par Marianne Hirsch, The Generation of Postmemory: Writing and Visual Culture After the Holocaust ,Columbia University Press, 2012.
[2] voir la revue Le Genre humain, Les artistes font des histoires (dir. C.Perret, J-P. Antoine), n°55, 2015.