SOCIOBIOLOGIE

Depuis environ une dizaine d’années s’est constituée aux Etats-Unis une nouvelle discipline, la sociobiologie, qui désire étudier les fondements génétiques du comportement social, non seulement des animaux, mais aussi des hommes. C’est à un spécialiste du comportement social des insectes, Edward O. Wilson, que l’on doit  le livre principal de cette nouvelle théorie : Sociobiologie, la nouvelle synthèse, parue en 1975. Il y défend l’idée que les institutions sociales, les mœurs, les lois ne sont pas issues des traditions culturelles, de l’histoire ou de l’idéologie des sociétés humaines mais bien de l’héritage génétique de l’espèce. Il s’agit, en somme, d’un néo-darwinisme naïf et simpliste.

   Les sociobiologistes veulent voir dans des mécanismes aussi complexes que l’intelligence, l’altruisme, les sentiments religieux ou les jugements esthétiques , l’action directe des gènes. Leurs arguments se contredisent souvent ; ainsi, comme le fait remarquer Lévi-Strauss, comment l’idéologie des Droits de l’Homme pourrait-elle dériver de notre nature de mammifères si, comme Wilson le note lui-même, l’idée des droits de l’homme ne se retrouve pas partout mais apparaît au contraire comme une invention récente de la civilisation européenne et américaine ?

   Comme Lévi-Strauss l’a souvent souligné, la culture, avec ses contraintes physiologiques et techniques, ses règles de mariage, ses valeurs morales et esthétiques, sa disposition plus ou moins grande à accueillir des immigrants, exerce sur ses membres une pression de sélection beaucoup plus importante, avec des effets bien plus rapide que la très lente évolution biologique et génétique.

   On peut facilement deviner à quelle politique une théorie, dite scientifique, qui voit dans la hiérarchie entre les hommes le résultat de la compétition entre les gènes peut servir. « Le bien et le mal devraient être reformulés en terme de génétique et des principes évolutifs » déclare calmement Wilson. Ce type de raisonnement pose évidemment toute la question du rôle éthique et du pouvoir des scientifiques et de la science dans notre société.

Lecture

  • Charles FRANKEL, « Les Enjeux de la sociobiologie », in Le Genre Humain n°1, 1981, p. 83-93.
  • Claude LEVI-STRAUSS, Le Regard éloigné, Plon 1983, p. 49-62.
  • Marshall SAHLINS, Critique de la sociobiologie. Aspects anthropologiques. Gallimard, 1980.

Cf. Culture, Darwin, Génétique, Hérédité, Idéologie, Nature, Quotient intellectuel, Scientisme.

Laisser un commentaire

%d blogueurs aiment cette page :