NAZISME
Tout a commencé dans la légalité. Hitler adhère en 1919, après l’humiliation de la défaite, au Deutsche Arbeitpartei qui voit certains membres de l’armée le soutenir. En 1921, les premières Sections d’assaut ou S.A. sont mises sur pied avec pour mission d’intervenir dans les réunions communistes et de créer une atmosphère de violence dans la république de Weimar.
Au sein de son parti — devenu N.S.D.A.P., National Sozialistische Deutsche Arbeitpartei, Hitler cherche déjà à exercer une autorité sans partage. Il veut conquérir le pouvoir, défendre l’Allemagne et la race aryenne. Doctrinaire et opportuniste, il a compris le rôle fondamental des masses populaires et saura mêler les vieux mythes germaniques à la modernité. L’horreur et l’efficacité de sa tyrannie tiendront dans l’utilisation habile de tous les instruments de manipulation pour renforcer son charisme et sa puissance. Croix gammée et étoile jaune, aigle emprunté à l’empire, défilés, affiches, cinéma, discours martelés au son des bottes, caractères gothiques, jeunesse en uniforme… rites et symboles rendent inutiles le recours à la contrainte ou l’intelligence, ils parlent d’eux-mêmes, emportent l’adhésion, imprègnent tout le quotidien.
Le 9 novembre 1923, c’est la tentative de putsch à Munich. Accusé de haute trahison, Hitler se prétend au contraire le meilleur des Allemands, « celui qui voulait offrir au peuple allemand le meilleur de toutes choses ». La presse le transforme en champion de la cause nationale. Condamné à cinq ans de prison, il rédige Mein Kampf. En 1925, il retrouve la liberté et sa place à la tête du parti. Pour contre-balancer l’influence des S.A., il crée une force à sa disposition personnelle, les S.S. ou Schutzstaffeln. Il est à tout moment prêt à saisir les occasions politiques. Avec la Grande crise de 1929 qui gagne l’Allemagne, les nazis enregistrent leurs premiers succès électoraux. De 12 députés en 1928, le parti nazi obtient 107 sièges en 1930 et un poste de ministre de l’Intérieur de l’état de Thuringe.
Le 30 janvier 1933, Adolf Hitler est nommé Chancelier par le maréchal Hindenburg et présente son gouvernement à la presse. Hermann Göring et Joseph Goebbels sont respectivement chef du gouvernement de la Prusse et ministre « pour l’information du peuple et la propagande ». Arrivés au pouvoir par la voie légale, les nazis la rejettent tout aussitôt : Cent cinquante journaux sont interdits, la police reçoit le l’ordre de ne pas intervenir contre les S.A. devenus maîtres de la rue, les libertés fondamentales sont supprimées (inviolabilité du domicile, du secret postal, liberté d’expression, de réunion, d’association, du droit de propriété). Les partis politiques semblent aveuglés, ils ne mesurent pas l’étendue de la répression qui s’installe. Communistes, socialistes, libéraux et même l’Église catholique, personne ne réagit aux arrestations et sévices contre les membres de l’une ou l’autre organisation. Personne ne semble imaginer se solidariser pour résister à cette peste brune. Le judaïsme allemand lui-même pense que le péril n’est fort relatif et ne concerne que quelques Juifs de l’Est. Les syndicats acceptent même de défiler le 1er mai mais le lendemain, toutes les maisons syndicales sont occupées par les S.A. et les dirigeants emprisonnés. Les partis sont frappés ou dissouts ; une loi interdit la création de nouveaux partis politiques.
Une reconnaissance internationale est acquise en juillet 1933 par le pacte signé avec la France, l’Italie et la Grande-Bretagne et le concordat avec le Saint-Siège. Les Jeux Olympiques de 1936 en sont le signe le plus éclatant.
Hitler veut posséder un pouvoir absolu, il fait exécuter les S.A., c’est la « Nuit des longs couteaux » du 30 juin 1934.
Hitler veut la conquête d’un nouvel espace vital à l’Est et sa germanisation impitoyable. Il veut aussi modeler la jeunesse et rend obligatoire le service dans la Hitlerjungend, sélectionne des jeunes filles conformes à des critères « raciaux » pour en faire les reproductrices de la « renordisation ».
En septembre 1938, c’est la rencontre à Munich avec Mussolini, Edouard Daladier et Neville Chamberlain ; Les Allemands prennent possession des Sudètes que l’Occident leur a donné et l’Europe va basculer dans la guerre.
La guerre fait partie des moyens qu’entend utiliser le régime nazi pour arriver à ses fins, de même que le racisme en est une donnée centrale.
Les lois raciales de Nuremberg des 15 et 16 septembre 1935 ont codifié la politique antijuive mais en janvier 1942, les nazis ne se contentent plus d’obtenir l’émigration et le transfert de cette minorité sur laquelle se cristallise tant de haine, dorénavant c’est une « solution définitive de la question juive pour l’ensemble de l’Europe » qui est envisagée.
Nourri dès sa jeunesse viennoise de pamphlets antisémites, de textes pseudo-scientifiques à propos du « mythe aryen », Hitler va incarner les délires verbaux de ses prédécesseurs et organiser industriellement le génocide. Héritier d’un antisémitisme séculaire, il planifie l’horreur avec la complicité passive, ou l’omission, des nations civilisées. Churchill refuse de considérer les mesures antijuives comme un obstacle à l’entente germano-britannique, en 1938, la Suisse cherche à empêcher les émigrés juifs de franchir ses frontières ; l’Amérique latine après avoir accueilli des réfugiés restreint l’immigration juive ; d’après un sondage, 87% des Américains interrogés refusent d’ouvrir plus largement leurs portes aux Juifs européens, … On connaît aussi le rôle du gouvernement de Vichy dans cette tragédie. Ce sont les Juifs « étrangers » — polonais et allemands principalement — que Vichy veut livrer aux nazis. La xénophobie se mêle à l’antisémitisme français, qui distingue l’ « Israélite », « bon Juif » assimilé, du « mauvais Juif », venu de l’étranger. L’amiral Darlan déclare que les Juifs apatrides qui se sont « abattus » sur le territoire français ne l’intéressent pas mais que les bon vieux Juifs de France doivent recevoir protection. Les autres peuvent mourir. Ce que Louis Gernet résume en 1943 par cette phrase : « On a pu observer un antisémitisme d’académicien qui est d’ailleurs à peu près le même que celui des voyous ».
Lecture
– Pierre AYÇOBERRY, La question nazie, les interprétations du national-socialisme. 1922-1975, Seuil, 1979.
– Saul FRIEDLANDER, Reflets du nazisme, Seuil, 1982.
– Daniel GASMAN, The Scientific Origins of National Socialism, Londres, Macdonald, 1971.
– Georges GORIELY, Hitler prend le pouvoir, Complexe, Bruxelles, 1982.
– Alfred GROSSER, Dix leçons sur le nazisme, (dir.), Complexe, Bruxelles, 1984.
– Dominique PELASSY, Le Signe nazi : l’univers symbolique d’une dictature, Fayard, 1983.
– Léon POLIAKOV, Bréviaire de la haine. Le Troisième Reich et les Juifs, Calmann-Lévy, 1979.
Cf. Antisémitisme, Fascisme, Génocide.
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