STÉRÉOTYPE

« Car c’est à la vérité une violente et traistresse maistresse d’escole, que la coustume. Elle establit en nous, peu à peu, à la désrobée, le pied de son autorité : mais par ce doux et humble commencement, l’ayant rassis et planté avec l’ayde du temps, elle nous descouvre tantost un furieux et tyrannique visage, contre lequel nous n’avons plus la liberté de hausser seulement les yeux. »

Montaigne, Les Essais, Livre premier, chapitre XXII.

    Ce terme fut introduit dans le champ des sciences sociales par l’américain Walter Lippman pour qualifier les idées et les croyances préconçues que se font les individus ou les groupes à partir non pas de l’observation d’un phénomène mais de préjugés et d’habitudes de pensées. Il attribue au stéréotype une fonction d’économie : pour ne pas devoir évaluer avec circonspection tous les aspects d’une nouvelle situation, en peser chaque élément, y réfléchir, en proposer une hypothèse explicative puis en vérifier le bien-fondé, l’individu y répond par la facilité et la rapidité d’une pensée préformée, d’une généralisation simplificatrice, d’un stéréotype partagé avec d’autres dans une même culture.

   Les stéréotypes charrient la conformité de la pensée sociale ; ils offrent une représentation ou une image simplifiée, non vérifiée par l’expérience et non soumise à la critique, ayant cours dans un groupe déterminé à propos généralement d’une autre catégorie sociale déterminée.

   Certains sociologues distinguent le stéréotype du préjugé. Le premier étant une image, une catégorie sociale « comme on la voit », le préjugé étant une opinion, un jugement, une catégorie sociale « comme on la juge ».

   Stéréotype et préjugé comportent une charge émotionnelle importante, inclinent à des attitudes et permettent aux individus et aux groupes de justifier leur propre statut par opposition à celui d’autres catégories sociales dévalorisées, comme c’est le cas dans le racisme. Ainsi, les stéréotypes qui circulent à l’égard des travailleurs immigrés, des Noirs ou des Juifs servent-ils à justifier la ségrégation, le rejet, la domination, l’antisémitisme, etc.

   Rumeurs, préjugés, stéréotypes font partie d’une culture et de son ethnocentrisme. La rencontre avec d’autres cultures, plutôt que de s’inscrire dans la réalité d’une découverte singulière, semble se nouer avant tout à partir du « prêt-à-penser » d’une société.

Lecture

  • Henri JANNE, Le Système social. Essai de théorie générale, Ed. de l’Institut de sociologie de l’Université Libre de Bruxelles, 1968.
  • Walter LIPPMAN, Public opinion. Harcourt, Brace, New York, 1922.

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