Désordre de ma table : Angela Carter, photo d’une journée Celan en mai 2001

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« Les enfants ne restent pas jeunes longtemps dans cette contrée sauvage.Il n’y a pas de jouets avec lesquels s’amuser, aussi travaillent-ils dur, ce qui les rend sages. mais celle-ci, si jolie et la benjamine de sa famille, une petite tard venue, s’est fait passer tous ses caprices par sa mère et par la grand-mère qui lui a tricoté le châle rouge qui brille aujourd’hui, non sans implications menaçantes, comme du sang sur la neige. Ses seins viennent tout juste de commencer à enfler, et sa chevelure légère est si blonde qu’elle fait à peine une ombre sur son front pâle; ses joues sont d’un blanc taché d’écarlate héraldique et elle vient de saigner son premier sang de femme, cette pendule en elle qui sonnera, dorénavant, une fois par mois. (…) Lorsqu’elle entendit le hurlement glaçant d’un loup lointain, sa main bien entraînée se porta sur le manche de son couteau, mais elle n’aperçut nulle trace de loup, ni même d’homme nu, mais elle entendit un froissement parmi les buissons et elle en vit bondir un tout habillé sur le sentier, fort beau et jeune, vêtu du manteau vert et du chapeau à larges bords des chasseurs, chargés de carcasses de gibier à plume. Elle avait porté la main à son couteau au premier bruissement de brindilles, mais il éclata d’un rire qui découvrit l’éclair de ses dents blanches quand il la vit, et lui fit une petite révérence comique mais flatteuse; jamais encore elle n’avait vu si beau garçon parmi les pauvres pitres rustauds de son village natal.  » (Angela Carter, La Compagnie des loups, p.64-65, points Seuil, trad. J.Huet).

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